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Passeuse de savoir, passeuse de mémoire

23 septembre 2021 -

La transmission du savoir : un art, un devoir, et un plaisir

Maître et élève s’enseignent mutuellement, la grande leçon de Kung Fu Panda

Artistes et artisans ont ceci en commun qu’ils apprennent et perfectionnent leurs gestes et leurs connaissances au contact de maîtresses et maîtres expérimentés. Le don est souvent là au départ, mais le faire fructifier est comme planter une petite graine dans un sol accueillant. Il faut arroser, biner, pailler, désherber, par tous les temps. Arrêtons là la métaphore jardinière, disons simplement qu’il faut faire des efforts, et que la guidance extérieure est nécessaire à un moment de l’histoire. C’est vrai dans tous les domaines.

A celle ou celui qui apprend correspond un mentor. Entre maître et élève se développe alors un rapport basé sur le respect mutuel, c’est ce que nous apprennent entre autres les arts martiaux. Au départ l’élève est dans l’admiration (légitime) pour son professeur, puis avec le temps qui passe cette admiration laisse place au respect, qui prend l’individu en compte dans sa globalité et offre de la place aux faiblesses, aux défauts et au doute. Evolution souhaitable car elle est moteur de progrès. C’est le concept de Shu-Ha-Li

Shu : la technique doit être apprise pour être dépassée.

Ha : l’assimilation, la technique est intériorisée.

Li : le rejet de l’inutile pour soi. Créer de la nouveauté n’est pas une finalité incontournable, mais toute technique traditionnelle se nourrit de l’évolution apportée par une maîtrise du geste qui peut conduire à une amélioration de celui-ci. (Toutes ces précisions viennent d’un entretien passionnant entre Pierre Portocarrero et André Louka pour la revue Arts Martiaux).

Toutes ces considérations théoriques pour amener à une petite réflexion personnelle : arts martiaux, tissage, obstétrique (trois domaines dans lesquels j’ai mené ou mène encore mon petit bonhomme de chemin) ont ceci en commun la responsabilité de transmettre son savoir le moment venu. On fut élève, ou kohai, ou sempai, et un jour on devient maître-sse, ou sensei. On se doit alors d’être une passeuse de mémoire, un relais dans la longue chaîne qui a permis qu’un savoir ancien perdure. Et tout comme on fut élève admirative et révérencieuse devant ce qui fut transmis, on ne doit pas négliger la reconnaissance devant celle ou celui qui accepte de recevoir l’enseignement. Car sans élève, il ne peut y avoir de persistance du savoir. Nous sommes tou-te-s gardien-ne-s d’un trésor.

Sacrifices et entraînement forcené, mais pas que.

Il existe bien des manières d’opérer cette transmission. Aujourd’hui, le moment est venu pour notre Betty de léguer son art de la manière la plus large possible : elle a passé six ans à peaufiner un livre regroupant les techniques qu ‘elle a mis une vie à acquérir. Ses élèves passé-e-s, actuel-le-s et futur-e-s vont pouvoir en profiter. Les simples curieux aussi, les professionnels en quête de base théorique également. Réjouissons-nous que pour la première fois, un ouvrage aussi complet et accessible sorte en langue française. Comme on connaît Betty, il sera forcément foisonnant et passionnant. Vivement qu’on puisse plonger entre ses pages !

 

Margodric