LE MYTHE DE PENELOPE

La mythologie grecque est riche en figures symboliques. Epopées et légendes de l’Antiquité ravissent nos coeurs de latins : romanesques, aventureuses, emplies de passions, de ruses et de fourberies, elles nous font rêver . Parmi elles, la sage figure de Pénélope tissant au secret de sa chambre en attendant le retour d’Ulysse le rusé me fascine particulièrement.

Elle est bien mystérieuse cette Pénélope. Son homme lui fait un fils et puis il s’en va faire la guerre pendant dix ans afin de venir soi-disant à la rescousse d’une reine enlevée malgré elle par un insolent blanc-bec aux côtés d’autres rois grecs. Ou, d’un autre point de vue, il s’en va aider un comparse à faire rentrer à sa juste place au foyer une drôlesse adultère (on ne voudrait pas qu’elle fasse figure d’exemple, hein ?). Il double ce temps d’absence en divaguant de ci-de là sur la Méditerranée avant de rentrer chez lui. Pour d’aucuns, c’est sous le coup d’une malédiction divine. Mais à y regarder de près, il se paye du bon temps avec Circé (jusqu’à lui faire un fils), et il ramène quelques belles captives troyennes de ses rapines. Pas le plus exemplaire des maris. Et pourtant elle l’attend en faisant et défaisant inlassablement son ouvrage, décourageant les prétendants assidus qui l’assiègent en espérant ses faveurs (et le trône d’Ithaque!).

Il y a de quoi être intrigué. Parée de toute les vertus de la femme fidèle, amoureuse éperdue indétournable de son devoir conjugal, elle est le symbole de la femme irréprochable. Mais on se méprend peut-être totalement sur la nature de son jeu malicieux avec la navette, dans un sens le jour, à rebours la nuit.

Qui tisse régulièrement connaît la saveur hypnotique des duites, son glissement méditatif, la sérénité qui s’installe avec la concentration sur le passage du fil dans la chaîne. Pénélope fait-elle acte pieux de chasteté et de fidélité en tissant ? Ou bien donne-t-elle le change auprès du rappel à l’ordre social ? Une femme seule, sans homme à ses côtés est une femme dangereuse car proche d’être libre. Or, Pénélope prend prétexte de l’hypothétique retour de son mari pour refuser la tutelle d’un nouveau compagnon. Elle a donc le double avantage de l’indépendance et de la tranquillité tout en étant appariée à un absent. J’imagine même parfois des fréquentations nocturnes, et la belle épouse délaissée demandant à son amant complice de défaire son ouvrage pour ensuite céder à ses avances. Finalement, une situation tout à l’avantage des deux parties.

C’est bien toute la saveur des mythes anciens qui perdurent jusqu’à nous de pouvoir se prêter à des double ou triple lectures. La modernité est dans l’oeil du lecteur aussi.

A nous de varier les interprétations, tout comme un enlissage donne avec des pédalages différents des motifs complexes et changeants …

Je vous souhaite sur ce, une excellente rentrée.

Margodric